La vie trouve un moyen (même sur les naines M ?)

Titre : L’environnement de rayonnement à haute énergie autour d’une naine M de 10 Gyr : enfin habitable ?

Auteurs : Kevin France, Girish Duvvuri, Hilary Egan, et al.

Institution du premier auteur : Université du Colorado, Boulder

Statut : Posté sur arXiv (accès libre) ; Accepté à AJ (accès fermé)

Il y a beaucoup d’étoiles dans l’Univers, et une grande partie d’entre elles sont des naines M. Ce sont les étoiles les plus petites et les plus rouges, venant en dernier dans la séquence des types spectraux (O, B, A, F, G, K, et le dernier mais non le moindre : M). Bonus : comme elles sont si petites et si peu lumineuses, il est plus facile de trouver de petites planètes terrestres autour d’elles ! Étant donné qu’elles sont si nombreuses et que nous avons une bonne chance de scruter leurs zones habitables, il est logique que nous voulions réfléchir à ce que serait la vie sur une planète autour d’une naine M.

Mais, il y a un hic. Les naines M sont également connues pour être des étoiles très actives, qui s’enflamment et émettent beaucoup de lumière ultraviolette et de rayons X qui sont de mauvaises nouvelles pour la vie biologique. Cette activité stellaire est si forte qu’elle entraîne une évasion atmosphérique, privant ces planètes rocheuses de leur atmosphère, qui est essentielle à leur habitabilité. La lumière ultraviolette extrême (appelée EUV ou XUV) est particulièrement efficace pour dépouiller une atmosphère, et les jeunes naines M en émettent davantage car elles passent plus de temps dans leur phase d’évolution pré-séquence principale. Ainsi, le début de la vie de ces étoiles est extrême, ce qui ruine les chances d’une planète d’être habitable. Qu’en est-il des naines M plus anciennes ? Les planètes situées autour des naines M pourraient bénéficier d’une remise à niveau de leur atmosphère, en acquérant une « atmosphère secondaire » créée par les gaz libérés par les impacts ou les volcans. S’adoucissent-ils avec l’âge, calmant toutes ces radiations, rendant possible que cette atmosphère secondaire reste assez longtemps pour que la vie apparaisse ?

L’article d’aujourd’hui cherche à répondre à ces questions en observant une vieille naine M proche pour son activité UV et rayons X, puis en calculant ce qui arriverait à l’atmosphère d’une planète semblable à la Terre dans sa zone habitable.

La recherche des tueurs d’atmosphère

Les auteurs ont utilisé le télescope spatial Hubble (pour les observations UV) et l’observatoire de rayons X Chandra pour observer l’étoile de Barnard, une vieille étoile M proche. L’étoile de Barnard n’est distante que d’environ 6 années-lumière, ce qui en fait l’une de nos plus proches voisines dans l’espace. Elle ne fait que 16 % de la taille du Soleil, mais est environ deux fois plus vieille. Elle est également connue pour abriter une super-Terre froide (environ -300°F !) d’environ 3 fois la taille de notre planète, découverte par la méthode des vitesses radiales.

La luminosité UV moyenne de l’étoile de Barnard est parmi les plus faibles jamais mesurées pour une naine M, mais elle émet tout de même plus de XUV que le Soleil, comme le montre la figure 1. Ils ont également mesuré un faible (mais non nul) flux de rayons X, également parmi les plus faibles observés sur une naine M. L’étoile de Barnard émet toujours des éruptions aussi fréquemment que les naines M plus jeunes, mais les éruptions de l’étoile plus ancienne sont d’intensité plus faible (mais toujours plus intense qu’une étoile comme le Soleil !). Un autre événement nuisible à l’atmosphère est la CME, ou « éjection de masse coronale », qui libère des particules de haute énergie de l’étoile ; les auteurs ont constaté que ces événements ont des énergies similaires aux éruptions solaires, mais sont beaucoup plus fréquents. Les auteurs ont constaté que ces événements ont une énergie similaire à celle des éruptions solaires, mais qu’ils sont beaucoup plus fréquents : Les naines M ont été théorisées pour avoir des champs magnétiques plus forts, ce qui peut empêcher les CME de voyager loin de l’étoile et d’impacter les planètes, donc il y a un peu d’incertitude sur l’effet des CME sur une atmosphère discutée ici.

Figure 1 : Soleil (noir) vs étoile de Barnard (rouge). L’étoile de Barnard montre plus d’EUV ! (Figure 1 de l’article.)

Le verdict sur l’atmosphère

Maintenant que nous en savons un peu plus sur l’environnement autour d’une vieille naine M, que se passerait-il pour l’atmosphère d’une planète ? Les auteurs ont estimé l’échappement atmosphérique d’une hypothétique planète semblable à la Terre dans la zone habitable de l’étoile de Barnard qui rencontrerait ce rayonnement à haute énergie observé.

D’abord, pour s’assurer que leurs modèles avaient un sens, ils les ont testés sur le système Soleil/Terre pour voir s’ils pouvaient reproduire ce que nous observons dans notre propre système solaire. Ensuite, ils sont passés à l’examen de l’échappement thermique et ionique de notre planète hypothétique. L’échappement thermique se produit lorsque les particules sont suffisamment chaudes, et donc se déplacent assez rapidement, pour dépasser la vitesse d’échappement de la planète. Autour de l’étoile de Barnard, notre planète hypothétique perdrait son atmosphère en 11 millions d’années environ. Ou, vous pouvez penser qu’elle perdrait 87 fois l’atmosphère de la Terre en un milliard d’années (pour le contexte, la Terre a plus de 4 milliards d’années !).

Ils ont également examiné l’échappement des ions, qui est en fait la principale façon dont la Terre perd son atmosphère. C’est un peu plus compliqué, car cela nécessite un modèle d’interaction du plasma. Leurs simulations ont montré que dans un état normal, quiescent (sans éruption), l’étoile de Barnard n’augmente que légèrement l’échappement atmosphérique par rapport à la Terre. Cependant, lorsqu’une éruption se produit, la perte d’atmosphère est beaucoup plus importante, comme le montre la figure 2. Il faut noter que la planète hypothétique n’est pas magnétisée ; le magnétisme pourrait faire la différence, comme c’est le cas sur Terre, en protégeant de certaines de ces particules à haute énergie. La grande leçon à retenir ici est que la perte atmosphérique autour des vieilles naines M sera dominée par les périodes d’éruption.

Figure 2 : Ces simulations pour montrent l’échappement des ions pour trois scénarios : de base (terre non magnétisée autour du soleil), calme (planète semblable à la Terre non magnétisée dans l’étoile Barnard HZ en conditions calmes), et éruption (même planète autour de l’étoile Barnard mais pendant l’éruption). La barre de couleur correspond à la quantité d’ions oxygène perdus. (Figure 8 de l’article.)

La vie peut-elle trouver un chemin ?

Les éruptions pourraient en fait avoir un effet positif sur la vie d’une manière différente. D’autres travaux ont montré que les photons proches des UV (NUV) pourraient conduire à la formation de molécules précurseurs de l’ARN ; l’étoile de Barnard a un peu moins de rayonnement NUV que ce qui est nécessaire pour cela dans son état calme, mais les éruptions pourraient être suffisantes pour soutenir ces voies prébiotiques. De plus, maintenant que nous savons que les éruptions pourraient être un problème pour conserver une atmosphère, nous pourrions vouloir étendre notre recherche de planètes habitables plus loin de l’étoile ; il y a une possibilité d’une  » zone habitable étendue  » plus loin de l’étoile où le rayonnement est moins extrême !

Bien qu’elles soient moins actives, cet article a montré que même les vieilles naines M peuvent perdre beaucoup d’atmosphère, notamment à cause des éruptions. Nous devons encore en apprendre davantage sur les cycles des éruptions, car cela semble être un paramètre clé dans la rétention atmosphérique et l’habitabilité des naines M !

  • À propos de l’auteur

A propos de Briley Lewis

Briley Lewis est un étudiant diplômé de troisième année et un boursier NSF à l’Université de Californie, Los Angeles qui étudie l’astronomie & Astrophysique. Ses intérêts de recherche portent principalement sur les systèmes planétaires – à la fois les exoplanètes et les objets de notre propre système solaire, comment ils se forment, et comment nous pouvons créer des instruments pour en apprendre davantage sur eux. Elle a précédemment poursuivi ses recherches au Musée américain d’histoire naturelle à New York, ainsi qu’au Space Telescope Science Institute à Baltimore, MD. En dehors de la recherche, elle est passionnée par l’enseignement et la sensibilisation du public, et passe son temps libre à réunir son amour de la science avec ses amours d’artisanat et d’écriture, et à jouer avec son chien de sauvetage.

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